La Commission européenne vient d’annoncer ce 25 mars 2025 la sélection de 47 projets stratégiques répartis dans 13 États membres pour renforcer l’accès de l’Union européenne aux matières premières critiques. Cette décision majeure s’inscrit dans le cadre de la législation européenne sur les matières premières critiques (CRMA) entrée en vigueur en mai 2024, et vise à réduire la dépendance de l’Europe envers des fournisseurs extérieurs comme la Chine.
Sommaire
Une réponse à la vulnérabilité stratégique européenne
L’Union européenne fait face à un défi majeur concernant son approvisionnement en matières premières critiques. Actuellement, l’UE dépend à 100% de la Chine pour les terres rares lourdes, à 98% de la Turquie pour le bore, et à 71% de l’Afrique du Sud pour le platine nécessaires à ses industries.
Cette dépendance représente un risque stratégique considérable, comme l’a démontré la récente décision chinoise du 4 février 2025 de soumettre à contrôle les exportations de tungstène, tellure, bismuth, indium et molybdène. La Chine, qui produit environ 80% du tungstène et du bismuth mondial, a justifié cette mesure comme une riposte aux hausses de taxes douanières américaines, illustrant parfaitement la vulnérabilité européenne.
Les 47 projets au cœur de l’autonomie stratégique
Les projets sélectionnés couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur des matières premières critiques :
- Extraction de nouvelles ressources sur le sol européen ;
- Transformation des matières premières en Europe ;
- Développement de filières de recyclage innovantes ;
- Recherche de matériaux de substitution.
La France figure parmi les 13 pays bénéficiaires, aux côtés de la Belgique, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne, l’Estonie et sept autres États membres. Ces projets bénéficieront d’un traitement administratif accéléré et d’un accès privilégié aux financements européens.
La Commission a également reçu des demandes pour des projets situés hors de l’UE, dont la sélection éventuelle sera décidée ultérieurement. Un nouvel appel à candidatures est prévu pour la fin de l’été 2025.
Des objectifs ambitieux pour 2030
Cette initiative s’inscrit dans une stratégie plus large visant à atteindre trois objectifs majeurs d’ici 2030 :
- Extraire au moins 10% des matières premières stratégiques consommées annuellement en Europe ;
- Transformer au minimum 40% des besoins annuels européens sur le territoire de l’UE ;
- Recycler au moins 25% des matières premières stratégiques utilisées chaque année.
Pour y parvenir, l’UE développe plusieurs approches complémentaires, notamment la création d’un club des matières premières critiques réunissant les pays partageant les mêmes valeurs, le renforcement de l’Organisation mondiale du commerce, et l’extension de son réseau d’accords commerciaux et d’investissements durables.
L’explosion de la demande liée à la transition écologique
La sélection de ces 47 projets répond à une urgence croissante : la demande européenne en matières premières critiques devrait connaître une hausse spectaculaire. D’ici 2030, l’UE aura besoin de six fois plus de terres rares et douze fois plus de lithium qu’aujourd’hui pour atteindre ses objectifs climatiques.
Selon une étude de l’IFP Énergies nouvelles (IFPEN) réalisée en 2021, le monde pourrait consommer entre 60% et 90% des ressources connues en cuivre d’ici 2050 pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés. Les chiffres sont tout aussi préoccupants pour d’autres matériaux : entre 50% et 85% pour la bauxite, environ 80% pour le cobalt, 60% pour le nickel et 30% pour le lithium.
Les 34 matières premières critiques au cœur des enjeux
La législation européenne identifie 34 matières premières comme critiques, dont 17 sont considérées comme stratégiques en raison de leur importance particulière pour les secteurs des énergies renouvelables, du numérique, de l’espace et de la défense.
Ces matériaux sont présents dans de nombreux appareils du quotidien et sont essentiels au fonctionnement de l’économie européenne. Sans eux, la plupart des secteurs de la société cesseraient simplement de fonctionner, des smartphones aux voitures électriques, en passant par les panneaux solaires et les éoliennes.
Le recyclage : un levier encore sous-exploité
Parmi les projets sélectionnés, une attention particulière est portée au recyclage, identifié comme un levier majeur pour réduire la dépendance européenne. La « mine urbaine » – constituée notamment des piles, accumulateurs, LEDs, lampes basse-consommation, aimants et équipements électriques et électroniques usagés – représente un gisement considérable encore insuffisamment exploité.
En France, le programme investissements d’avenir a déjà alloué plusieurs centaines de millions d’euros aux « projets de développement des technologies de collecte, de tri, de recyclage et de valorisation des déchets ainsi qu’à l’éco-conception ». Cette approche s’inscrit parfaitement dans la stratégie européenne visant à renforcer la circularité des matières premières critiques.
La sélection de ces 47 projets stratégiques marque donc une étape décisive dans la construction d’une véritable souveraineté européenne en matière de ressources critiques, indispensable tant pour la sécurité économique du continent que pour la réussite de sa transition écologique.
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