Il y a près d’un an, en juin 2022, l’Agence européenne des Produits Chimiques (ECHA) a classé le S-métolachlore comme cancérigène suspecté. Alors que l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) s’oriente vers une interdiction de ce pesticide, le ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, annonce vouloir que l’Anses revienne sur sa décision.
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Marc Fesneau souhaite autoriser l’utilisation d’un pesticide jugé cancérigène
Le choix d’interdire le s-métolachlore n’est pas nouveau, au contraire. Depuis 2015, l’Anses a pour mission d’étudier l’impact de ce pesticide sur l’environnement. En février 2023, l’agence a rendu son jugement : le s-métolachlore sera retiré progressivement du marché pour ses principaux usages.
Mais cette décision n’est pas du goût du gouvernement. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture, a demandé hier 30 mars 2023, a l’occasion du congrès de la FNSEA, de revenir sur la décision d’interdiction de l’agence.
Aucune alternative ?
Pour le ministre, la décision de retirer le pesticide ne s’aligne pas dans le calendrier européen. Deuxième argument, l’interdiction sera faite sans alternative crédible. Encore selon Marc Fesneau, il est hors de question qu’il soit « le ministre qui abandonnera des décisions stratégiques pour notre souveraineté alimentaire à la seule appréciation d’une agence ».
« C’est l’indépendance de l’Anses qui est en jeu »
Une remise en cause de l’Anses qui ne passe pas auprès de certains pouvoirs publics. Pour les associations écologiques et l’opposition comme le député socialiste Dominique Potier, cette demande « est une déclaration extrêmement grave qui porte atteinte à l’indépendance de l’Anses ». Encore selon le député « Elle remet en cause une loi de 2014 qui fait consensus depuis dix ans et qui prévoit que les ministères abandonnent leurs prérogatives pour faire confiance à l’Anses. »
Une vision que ne partage pas Marc Fesneau et que le ministre semble prêt à défendre contre toute opposition.
Un pesticide dans le viseur des scientifiques et des associations
Le nom du s-métolachlore n’est pas nouveau. Au contraire, cela fait plusieurs années que ce pesticide en particulier est dans le viseur des associations et pointé du doigt comme toxique, polluant et cancérigène. Après de nombreuses recherches, la décision de l’Anses sort, ce désherbant sera retiré du marché.
Classé cancérogène suspecté en 2022, c’est pourtant pour sa forte capacité de contamination des eaux et des nappes phréatiques que l’Agence nationale de sécurité sanitaire a basé sa décision.
Une contamination des nappes phréatiques
Le s-métolachlore est à ce jour le 3e pesticide le plus utilisé en France après le glyphosate et le prosulfocarbe. Après avoir fait une étude sur le risque de contamination des eaux souterraines par le pesticide, l’agence a estimé que les concentrations relevées étaient supérieures à la limite fixée par la loi européenne.
En effet, après utilisation, le s-métolachlore se dégrade en différents résidus nommés métabolites. Ceux-ci migrent alors et se stockent dans les points d’eau. La dégradation du pesticide est ensuite extrêmement longue et la contamination persiste jusqu’à être relevable dans l’eau potable. La présence de ces métabolites est dangereuse puisque des concentrations alarmantes ont été retrouvées dans de l’eau du robinet.
Un retrait qui ne fait pas de miracles
Malgré la décision d’interdire le s-métolachlore dans les principaux usages, l’Anses ne se fait pas beaucoup d’espoirs. Selon l’agence, il est toujours possible de trouver des résidus de métabolites du s-métolachlore dans les eaux souterraines et les sources d’eau potable. En effet, les stocks de pesticides de la saison ont déjà été achetés et la contamination risque de perdurer. La dégradation lente du s-métolachlore laisse à penser que celui-ci sera toujours présent pour encore de nombreuses années, dans des quantités relatives qui devraient favoriser la restauration de la qualité des eaux souterraines.
Image à la une : Pexels.
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